mercredi 8 avril 2009

Pérou, Alberto Fujimori en prend pour 25 ans

Au Pérou, l'affaire de la décennie a pris partiellement fin ce mardi, avec la condamnation de l'ancien président Alberto Fujimori (70 ans) à 25 années de prison. Celle-ci suit une première sentence de six ans prononcée fin 2007 pour des perquisitions illégales.
La pierre angulaire du jugement rendu le 7 avril, était de savoir si, lors de son premier mandat entre 1990 et 1995, l'ex-président avait eu connaissance de l'existence et des activités du groupe Colina, une version péruvienne des escadrons de la mort.
En 1991 le groupe avait perpétré le massacre dit de Barrios Altos, où quinze personnes accusées à tort de terrorisme avait été tuées, alors qu'elles étaient réunis autour d'un barbecue dans une maison. Quelques mois plus tard, neuf élèves et un professeur de l'université de la Cantuta étaient enlevés et abattus d'une balle dans la nuque dans les collines environnant Lima. Lors du procès de Monsieur Fujimori, les juges ont décidé d'ajouter à ces charges, l'enlèvement par les services de renseignements d'un journaliste et d'un entrepreneur péruvien.

Un procès qui doit en appeler d'autres

Plus d'un an et demi après l'extradition de l'ex-mandataire, le verdict est un soulagement pour les familles des victimes, qui ont cru à plusieurs reprises que le procès n'arriverait jamais à son terme. A l'ouverture du procès, une force de choc des partisans du « Chino » (le chinois, son surnom) a ainsi tenté d'empêcher le bus emmenant les parties civiles d'arriver à destination. S'en sont suivies des manœuvres politiques et l'exagération des problèmes de santé de l'accusé.
Quoi qu'il en soit, s'il n'était suivi d'aucun autre, ce procès pour crime contre l'humanité laisserait un goût amer aux associations de défense des droits de l'Homme. Le rôle prépondérant qu'ont joué les services de renseignement tout au long des deux mandats de l'ex-président (de 1990 à 2000), n'a ainsi été que partiellement évoqué. Or, selon la « defensoria del pueblo », un organisme de l'Etat qui a vocation à veiller au respect des droits de l'Homme, on peut raisonnablement penser que ceux-ci sont responsables de près de 1300 disparitions entre 1990 et 1993. Durant cette période, sous couvert d'une lutte efficace contre les maoïstes du Sentier Lumineux et le Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA), Alberto Fujimori et son fidèle assesseur Vladimiro Montesinos ont mis en place une véritable chasse aux sorcières contre leurs opposants. En outre, on sait aujourd'hui qu'une campagne de stérilisation forcée de femmes avait été lancée dans les Andes. Afin de juger ces affaires, la justice péruvienne devra néanmoins convaincre son homologue chilienne. En effet, avant de regagner le Pérou, l'ex-président s'était réfugié au Japon, pays dont il détient la nationalité, puis au Chili qui avait décidé de l'extradition. Conformément aux accords internationaux, seuls les cas sur lesquels la justice chilienne a statué peuvent être jugés.

Futur judiciaire et politique

Aussi, le prochain rendez-vous d'Alberto Fujimori avec la justice péruvienne, le 11 mai prochain, correspondra à des actions de corruption. Conjointement avec son assesseur, il est accusé d'avoir mis en place un vaste système de subordination de journalistes, hommes politiques et industriels. C'est d'ailleurs une vidéo, montrant Vladimiro Montesinos remettant de l'argent à un congressiste de l'opposition, qui avait précipité la chute d'un régime usé par dix ans d'autoritarisme.
Malgré le retour à la démocratie, il n'en reste pas moins que la constitution en vigueur est toujours celle que Fujimori avait fait votée en 1993, après avoir dissolu les deux chambres du parlement. Selon la spécialiste de la corruption Ines Arias, « Fujimori comme son système sont tombés ensemble, mais aujourd'hui celui-ci se recompose » notamment grâce à une constitution favorisant la déréglementation et ayant permis de concocter un« plan de lutte contre la crise économique, qui apporte plus de flexibilité aux conditions d'attribution des marchés publics ». Un moyen de contenter un pouvoir économique qui, avant de soutenir Alan Garcia, avait adoubé la paire Fujimori-Montesinos et sa corruption systémique.
Reste que celle qui fait aujourd'hui vivre le « fujimorisme », n'est autre que la fille aînée d'Alberto Fujimori,Keiko. Elle a été élue congressiste de Lima en 2006 à une large majorité. Ne se départant pas de son inévitable pragmatisme, l'ex-président a d'ailleurs transformé son ultime plaidoirie en une apologie de son régime et lancé la candidature de sa fille aux élections présidentielles de 2011. Un fait aucunement anodin dans la mesure où celle-ci joue les premiers rôles dans les intentions de votes.

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